Affaire Samir : comment Al Amoudi a joué du litige contre le Maroc pour empocher 2,7 MM$

Affaire Samir : comment Al Amoudi a joué du litige contre le Maroc pour empocher 2,7 MM$
hassan faqir4 يوليو 2024آخر تحديث : منذ 3 أشهر

*Affaire Samir : comment Al Amoudi a joué du litige contre le Maroc pour empocher 2,7 MM$*

Kenza Filali

Le Desk

1er juillet 2024

Confronté à l’inéluctabilité d’une injection de fonds propres dans la raffinerie Samir qu’il a siphonnée des années durant, Mohamed Al Amoudi, actionnaire majoritaire, s’est tourné vers le CIRDI en 2018. Procédurier acharné et spécialiste rusé du contentieux, le sulfureux affairiste saoudo-éthiopien avait prémédité ce scénario d’arbitrage dont la décision imminente sera à charge pour le Maroc

Après un long processus dont les faits marquants ont été révélés par Le Desk en avril 2023, l’affaire qui oppose la société suédoise Corral Morocco Holdings AB au Maroc est en état d’être jugée depuis le 18 juin au Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), dépendant du système de la Banque mondiale. Le CIRDI a déclaré la procédure « close » conformément à l’article 38 de son règlement d’arbitrage. Selon nos sources, sa décision est « imminente » et sera « à charge pour le Maroc qui devra inéluctablement passer à la caisse ».

Le Saoudien d’origine éthiopienne Mohamed Hussein Al Amoudi, actionnaire majoritaire à 67% de la raffinerie l’avait reprise à l’État marocain pour une bouchée de pain en 1997. Il a laissé une ardoise estimée à 4 milliards de dollars, tandis que plusieurs centaines de salariés et de sous-traitants se sont retrouvés sans emploi. La société de raffinage de Mohammedia, naguère fleuron de l’industrie des hydrocarbures au Maroc, en arrêt depuis 2015, est en liquidation.

Depuis son lieu de détention après son arrestation lors de la purge anti-corruption de novembre 2017 en Arabie Saoudite, le sulfureux homme d’affaires a déposé, le 14 mars 2018, un recours à l’arbitrage du CIRDI contre le Royaume du Maroc, invoquant des « obstacles » et un traitement << injuste >> après la privatisation.

Le Desk est en mesure de révéler les dessous de cette stratégie savamment orchestrée par Al Amoudi, qui a abouti à un arbitrage dont l’issue est d’ores et déjà connue : le Maroc sera condamné à lui verser une somme faramineuse, estimée entre 2,4 et 2,7 milliards de dollars.

Dans le détail, Corral défendue par le cabinet londonien Gibson Dunn reproche à l’Etat le non-respect des termes de l’Accord de protection et de promotion des investissements conclu entre le Maroc et le Suède en date du 26 septembre 1990. Corral qui crie à l’expropriation a réclamé dans son mémoire sur les dommages, déposé le 8 mars 2022, une indemnisation d’un montant de 2,762 milliards dollars, soit l’équivalent de 27,4 milliards de dirhams (MMDH), comme dévoilé par Le Desk.

Le Maroc a déposé, par le biais du cabinet d’avocats Naciri & Associés Allen & Overy mandaté aux fins de défendre ses intérêts dans le cadre de cette affaire, plusieurs mémoires auprès du Tribunal arbitral visant à infirmer les revendications de Corral, notamment celles qui concernent le non-respect de l’Etat de ses engagements internationaux au titre de l’accord précité.

*25 ANS DE MANŒUVRES DILATOIRES*

Il faut cependant tirer le fil de l’enchainement des faits depuis 25 ans pour comprendre le processus ayant mené au litige, puis à l’arbitrage. A chaque étape, et depuis sa prise de contrôle de la Samir, Al Amoudi s’est employé à faire de la raffinerie une vache à lait, manquant à toutes ses obligations contractuelles, notamment celle de transformer la raffinerie en un outil industriel performant et pérenne.

Signé en 1997, l’accord de privatisation de la Samir était assorti d’un engagement de Corral à moderniser l’outil de production avant 2009. Or, Al Amoudi ne l’a jamais respecté, laquelle modernisation ne sera entreprise qu’au tournant de l’année butoir. Lorsqu’en 2002, un terrible incendie avait endommagé les installations de la raffinerie suite à l’effondrement d’une digue de protection, l’actionnaire de référence avait tout entrepris pour en faire porter la responsabilité à l’Etat alors que les différents rapports d’expertise avaient souligné un état de vétusté, pointant un défaut de maintenance et de rénovation post-privatisation.

A l’époque, Al Amoudi n’était pas un acteur essentiel du secteur pétrolier, contrairement aux grands majors qui auraient pu concourir au rachat de la Samir. Si des investissements ont été consentis au compte-goutte, la gestion chaotique de l’entreprise par la direction affairée à d’autres activités l’a menée à l’impasse. Les recapitalisations maintes fois promises pour restructurer une dette devenue incontrôlable n’ont jamais été réalisées.

Ce sont alors surtout les modalités de financement de cette modernisation tardive qui plomberont l’entreprise. De 2007 2009, elles se feront dans des conditions déplorables, attestent des sources du milieu bancaire, au travers du recours à une kyrielle de crédits à court terme alors que tous les benchmarks préconisaient un financement de projet à long terme. Résultat un déséquilibre structurel des finances de la Samir qui contribuera à sa fragilisation.

Corral manquera aussi à tous ses engagements, notamment celui d’injecter de l’equity entre 2008 et 2012. Cet engagement d’apporter sa quote-part avait été pris vis-à-vis des banques marocaines qui avaient conditionné leur concours à des augmentations de capital de la part de l’actionnaire majoritaire de la Samir.

Corral a de plus siphonné la Samir sans bourse délier entre 500 et 700 millions de dollars de dividendes lui ont été distribués de 1997 à 2015. Ces distributions étaient souvent << fictives au sens du droit des sociétés dans la mesure où la structure bilantielle de la Samir ainsi que les exigences des bailleurs de fonds ne permettaient pas de telles largesses.

*13 MMDH CONSENTIS PAR LA DOUANE*

La Douane a de plus soutenu l’entreprise au titre de son statut d’actif stratégique à l’époque jusqu’à 13 MMDH ont ainsi été consentis à travers la mise en place d’une ligne de crédit d’enlèvement qui était, elle aussi conditionnée par l’injection de fonds propres de la part de l’actionnaire majoritaire, lequel engagement n’a pas non plus été honoré.

Le 5 août 2015, Al Amoudi mettait à l’arrêt la raffinerie. Objectif: mettre la pression sur l’Etat en vue de le contraindre à augmenter les lignes de crédit sans contrepartie. Des avis à tiers détenteur (ATD) ont alors été initiés par l’Administration des Douanes comme mesure de protection des deniers publics de crainte qu’une procédure collective ne soit prononcée à l’encontre de la Samir sans que ne puisse être remboursée la créance accumulée et sans que sa créance ne soit sécurisée.

Dès lors et jusqu’à fin 2015, des discussions ont été menées entre la Samir et l’Etat au terme desquelles Corral s’est engagée à réaliser une augmentation de capital de 10 MMDH en échange de la levée des ATD. Cette proposition fut acceptée par l’Etat mais n’a jamais été concrétisée par Corral qui a tergiversé, annonçant l’arrivée de la moitié de la somme promise, puis un calendrier de lissage sur plusieurs mois, pour enfin ne rien débourser.

*L’ARBITRAGE POUR SE REFAIRE »*

Confronté à l’ineluctabilité d’une injection de fonds propres, Corral s’est alors tourné vers le CIRDI, « pour se refaire, alléguant des manquements de l’État marocain à des engagements pris dans les années 2000, tels que l’absence de rétablissement des barrières douanières.

« Corral n’a jamais discuté de bonne foi avec l’Etat marocain. Les promesses d’injecter des fonds étaient un moyen de temporiser en attendant de préparer un dossier de contentieux au CIRDI, affirme au Desk une source au fait du dossier.

Il y a fort à parier que la majorité des offres de reprises farfelues de candidats fantasques ont été instrumentalisées par Al Amoudi pour corroborer et crédibiliser une valeur de la Samir totalement décorrélée de sa vraie valeur de marché, commente la même source. Ces offres émanaient en effet d’acheteurs inexistants ou fictifs, peu sérieux et peu crédibles, sans garantie, ni financement.

En 2018, Le Desk avait pu consulter la quarantaine d’offres émanant de plusieurs acteurs internationaux. Traders dans le pétrole, flibustiers de la finance, intermédiaires en tout genre, la faune qui s’est bousculée au portillon du syndic et dont les dossiers se sont accumulés sur son bureau montre à quel point la procédure n’a connu aucun filtrage sérieux, donnant le sentiment pour les observateurs les plus avisés que l’objectif caché de ce feuilleton sans fin était d’envoyer la raffineric à la casse en prétendant à une valorisation excessive.

Ce qui est proprement impensable, c’est que rien n’a semblé être mis en place pour évaluer en amont du sérieux des offres. Autant le syndic que le juge-commissaire ont donné l’illusion que les offres sont recevables dès lors qu’elles affichent un montant alléchant », estime cette source proche du dossier. Mais à y voir plus près, la plupart se résumaient à des déclarations d’intention, au mieux accompagnées de lettres de confort émanant d’institutions douteuses, voire de documents bancaires fallacieux ou de supposées garanties impensables comme pour ce cas où des attestations de détention de bons du Trésor du Venezuela se sont révélées de faux grossiers fabriqués sur la base de facsimilés trouvés sur Internet.

De quoi étayer la thèse de la préméditation d’Al Amoudi qui, en embuscade, préparait le terrain avec ruse pour le litige devant le CIRDI en arguant de dommages exorbitants.

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